J'ai cette angoisse du voyage**, comme si ça n'allait jamais assez vite, comme si je n'aurais jamais le temps de voir tout ce dont je rêve, comme si à deux pas d'ici se cachait un trésor d'architecture, un passage secret que je pourrais rater, cette sensation presque identique à celle que j'éprouve lorsque je pénètre dans une librairie et que je me rends compte que je mourrai bien avant d'en avoir lu la fin. Voyager pour moi c’est un peu comme plonger dans un lac, y aller tout entière et en ressortir aussi tôt pour ne pas laisser le froid m’engourdir, trouver un équilibre entre le familier et l’étranger, et c'est peut-être pour ça qu'il est bon de ne pas s'arrêter trop longtemps, de ne pas laisser le mystérieux devenir trop commun?
Paradoxalement, malgré mes courts séjours, il y a très peu d'endroits que j'ai visité et où je ne me suis pas sentie presque immédiatement chez moi... Quand je suis à Paris, ma ville natale, je ressens toujours un pincement au cœur: une ville connue-inconnue, où j'ai très peu vécu et où j'ai souvent été. C'est également avec nostalgie que je me souviens de la route entre Glasgow et Fort William, bordée de vertes collines, de bruyère et des lochs glacés. De la folie qui règne à New York et de son côté singulièrement décontracté. Des montagnes du Péloponnèse et de ses eaux émeraudes. Des forêts denses du Småland suédois parsemées de milliers de lacs. Je me rappelle avoir pensé de Madrid, Stockholm, Paris, Hambourg, Amsterdam, Oslo, Prague, Athènes etc. que j'y passerais bien un petit morceau de ma vie. Petit seulement, car je suis une vraie girouette, dans la vie comme dans mes voyages. Et si je me sens chez moi, au bout de quelques temps, je ressens toujours l’appel de la route.
En fait, je me sens partout chez moi, et à fois de nulle part. Ou peut-être pas, il y a bien une ville où j'appartiens***, et je rentre bientôt à la maison…
En attendant je vais faire trempette dans la capitale Allemande :)
* J'exclus de la liste le British Museum, dont les objets exposés sont toujours accompagnés d'explications écrites, et où l'on peut prendre des photos!! et le Grand Palais à Paris, que je ne visite rien que pour lui-même. Et l'Institut du Monde Arabe pendant que j'y suis.
** En anglais, on dirait "an urge", un mot qui n'existe pas en français et se traduit lamentablement par "forte envie". En fait, ce mot évoque quelque chose de plus instinctif, de viscéral.
*** "Where I belong"
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